ou le ciné m'a tuer

La bataille avait été rude et il fallait déjà repartir. Merrill inspectait ses maraudeurs. On était chez Fuller, avec ses Merrill's Marauders. Le général Merrill mâchouillait sa pipe mal embouchée, toujours à la recherche du prochain pas. Il passait en revue ses hommes épuisés. L'un agonisait, délirait. "Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ? Je l'ai vu tomber. Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ?", expirait-il en agrippant le bras du général, les yeux fous. Et il est mort. "Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ?" demanda le général. "C'était lui Lemtchek", lui répondit un de ses camarades.
Remplacer Lemtchek par cinéma.



5 mai 2011

Fontaine, je ne boirai pas de ta jouvence

Je lis des scénarios de jeunes gens. 15-18, 20-25 ans. Des fautes, des tournures maladroites, Greengrass et Jeunet comme références, rien que de très normal. Ce qui m'étonne, ce sont les sujets et la manière de les aborder. Reviennent souvent le deuil, la révolte égocentrée contre l'injustice, l'enfermement, une forme d'autisme. Adolescence te revoilà. Et le sérieux, que de sérieux. Pas le sérieux appliqué du bon élève, le sérieux de celui qui réfléchit sérieusement au monde et sans le savoir, miroir mon beau miroir, le réfléchit aussi. Je ne me moque pas. Moi, c'est le temps, que me renvoie cette lecture. Une boucle temporelle, le bégaiement générationnel. Un bégaiement plus qu'un conflit. Des redites, des sautes, comme saute sur un vinyle rayé le diamant d'un tourne-disque ; un phonographe, disait-on dans le temps. Un chronophone. Ce scénario qui veut dénoncer les médias et le rôle des informations télévisées. Celui-ci sur cet homme qui ne sait pas qu'il est mort. Celui-ci encore qui joue la carte d'un réel décalé pour assurer son retournement de situation, surprise prévisible dès la deuxième séquence. Cet autre, justement, qui joue la boucle d'une histoire sans fin, où la fin revient au début, où la fin est le début... J'ai l'impression de me lire au même âge. Je me revois chez mon père, sur les rochers au bord de la rivière, écrivant du mauvais Baudelaire, Rimbaud, ou Apollinaire. Cela me fait peur. Les mêmes préoccupations qu'il y a vingt ans, les mêmes manières de penser les mettre en formes. Seules les références changent ; affaire de modes. Alors il n'est pas tant question de générations que de cycles. Alors, que de sérieux, me dirais-je si je devais relire ces billets dans vingt ans.

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