ou le ciné m'a tuer

La bataille avait été rude et il fallait déjà repartir. Merrill inspectait ses maraudeurs. On était chez Fuller, avec ses Merrill's Marauders. Le général Merrill mâchouillait sa pipe mal embouchée, toujours à la recherche du prochain pas. Il passait en revue ses hommes épuisés. L'un agonisait, délirait. "Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ? Je l'ai vu tomber. Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ?", expirait-il en agrippant le bras du général, les yeux fous. Et il est mort. "Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ?" demanda le général. "C'était lui Lemtchek", lui répondit un de ses camarades.
Remplacer Lemtchek par cinéma.



29 novembre 2012

Bondage (Skyfall 1)


James Bond ne meurt pas. Jamais. Mais il vieillit. C'est tout l'enjeu de Skyfall. Dire l'âge, l'usure physique, la retraite. Celle de M. Celle de James. Les héros sont vieux. Ils sont fatigués. Ils ne sont pas décidés à lâcher le morceau, mais ils ont vieilli. On ne leur fait plus confiance. Obsolètes. Une nouvelle administration est arrivée au pouvoir, qui veut les mettre au rencart. Ils appartiennent à un autre temps, une autre époque, celle de la guerre froide. Alors qu'aujourd'hui un portable est plus efficace qu'un automatique. Alors qu'aujourd'hui un clic tue plus sûrement qu'une pression sur la gâchette. La guerre secrète se fait avec des satellites, des lignes de codes, des pares-feux et une connexion internet. Plus besoin de double zéro mais de Q.

Sauf que l'espionnage 2.0 n'a rien de cinématographique ; même en lui taillant un costume sur mesure, le clavier d'un ordinateur reste aussi sexy qu'une huître. Et bien sûr ce sera l'histoire d'une revanche. Celle des vieux. Il ne faut pas enterrer les vieux de la vieille avant de les avoir tuer. Skyfall : derrière le film d'espionnage familial, une gentille parabole sur la vieillesse et la filiation. L'histoire de deux agents qui cherchent la reconnaissance de leur boss. Deux gamins, Abel et Cain, qui se disputent les faveurs de M(other). Deux orphelins en quête d'une mère. C'est tellement évident que la sempiternelle James Bond girl y est même sacrifiée - à moins que ce ne soit parce que la pauvre Bérénice Marlohe est vraiment trop médiocre. Skyfall, une histoire de famille recomposée. Le retour de Miss Moneypenny, le retour de Q, le retour de l'Aston Martin... Une histoire d'héritage (voir le gimmick avec le bulldog en porcelaine de M). Skyfall, à la recherche de la famille perdue. Sur Les Sentiers de la perdition. Comme si Bond était le Michael Sullivan Jr. que l'on avait laissé orphelin à la fin du deuxième film de Sam Mendes et que l'on retrouvait ici après une ellipse de plus de trente ans. Les Sentiers de la perdition dans lequel jouait également Daniel Craig, dans le rôle d'un fils abruti qui cherchait la reconnaissance de son parrain de père. Les Sentiers de la perdition qui était déjà bâti sur le principe de Skyfall, deux truands cherchant la reconnaissance du père contre deux agents cherchant la reconnaissance de la mère. M(other) mourra dans les bras de James, après que celui-ci soit sorti de l'eau comme d'un placenta, après qu'il ait tué son jumeau de ses mains. Une naissance tragique. Une renaissance. De nouveau orphelin. Un reboot de Bond ? Déjà, au bout du troisième avec Craig. Un reBond ?

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