Un
re-Bond. Un rebond. Une matière qui rebondit. On l'a vu, Skyfall
reforme la famille Bond. Sans la mère. On se demande s'il ne réforme
pas au passage le célèbre agent. Avec cette mise en place d'un
nouveau M masculin, d'un nouveau Q, d'une nouvelle Moneypenny, avec
son Aston Martin, et un James Bond ressuscité, ou du moins
renaissant, Skyfall a tout du reboot.
Casino
Royal en était déjà un, introduisant un nouvel interprète,
Craig, mais donnant surtout à voir Bond gagner ses doubles zéro,
son permis de tuer. C'était il n'y a pas si longtemps. En 2006. Et
le voici qui échappe de justesse à la mise à la retraite. Si
jeune, si vieux - ce qui pourrait être le titre d'un prochain opus.
Le problème de Bond, c'est qu'elle tourne en boucle. Pas le
personnage. La série. Oh, quoiqu'on en dise, le personnage tient
bon, il a la forme. C'est l'autre forme qui pose question. Celle de
la narration de ses aventures. Elle voudrait se renouveler. Les
cinéastes qui la prennent au bond voudraient s'en libérer, s'en
affranchir. Mais c'est qu'elle est coriace, tenace. Extrêmement
codée. C'est que James Bond est un genre à lui tout seul. Un genre
codifié auquel on ne peut échapper, ni le cinéaste, ni le
personnage.
Quantum
of Solace avait essayé lorgnant du côté de Jason Bourne, qui
lui-même lorgnait du côté de James en mode davantage « actioner ».
Entre Big Jim et Ocedar dépoussiérant, Jason avait séduit. Mais ce
qui prenait avec Bourne, ne prend pas avec Bond. Et Quantum of
Solace fut boudé. Trop action, trop yamakasi. Peut-être,
simplement un méchant trop insipide ; car à tous les coups,
c'est le méchant qui fait la saveur d'un bon Bond. Skyffall
revient alors aux racines, il ramène Bond a ses origines, celles du
personnage, littéralement ; celles d'un « 007 picture »,
formellement ; il lui donne une nouvelle virginité.
Skyfall
n'est pas un reboot du personnage, comme l'était Casino Royal.
Il est un reboot de la série. Skyfall est un reboot de
l'ancienne version. Une préparation plutôt à ce reboot. Un
pré-reboot en quelque sorte, nous laissant à la fin avec tous les
ingrédients originaux d'un Bond à l'ancienne, prêts à l'emploi.
Parce que Bond tourne en rond. Prisonnier de lui même et de son
univers. Prisonnier, comme la série britannique du même titre (Le
Prisonnier) qui voyait un espion enfermé dans un village cocon
duquel il essayait constamment de s'évader. - I'm not a number, I'm
a free man. - You are number 007.
Et
sous ses airs de renouveau, Skyfall prépare au retour en
arrière. Certes il n'y a pas de gadget et une réplique se charge de
le surligner, mais c'est parce que le prochain, j'en prends le pari,
en sera bourré. Parce qu'ôter ses gadgets à James Bond, c'est le
plonger dans le monde réel. Or, il ne connaît pas ce monde. James
Bond court après le vieux monde. Celui de la guerre froide. Ou
plutôt, celui de la coexistence pacifique. Et encore, en fuyait-il
déjà les enjeux, préférant s'inventer la menace fantaisiste d'un
Spectre qui n'avait rien de celui qui hantait alors l'Europe depuis
que Marx et Engels l'avaient nommé.
Pour
aller au bout de sa propre logique, Bond, donc, devrait retourner
dans les années 60. Le prochain James Bond devrait être une
reconstitution, un film historique. Mais un code incontournable du
genre l'en empêchera toujours : le placement de produit, sans
lequel James ne serait pas Bond, James Bond. Un VRP qui se doit de
sentir bon l'eau de Cologne de papy. Un VRP qui nous vend toujours de
l'ancien comme du neuf, toujours le même objet sous un packaging
modernisé. Un représentant de commerce dont on connaît par coeur
les produits et le discours, mais dont on n'accepterait pas de lui
qu'il en changeât.
On le sait, il n'y a rien de nouveau dans un
Bond, mais à chaque fois on veut le nouveau. Et on le veut jusqu'à
la dernière miette, comme les popcorns dont on ne se rassasie
jamais, même quand on gratte le fond du pot et que l'on fait chier
ses voisins de rangées. À part ça, ce n'est qu'un James Bond,
comme le Woody Allen annuel, pas de quoi se prendre la tête.
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