ou le ciné m'a tuer

La bataille avait été rude et il fallait déjà repartir. Merrill inspectait ses maraudeurs. On était chez Fuller, avec ses Merrill's Marauders. Le général Merrill mâchouillait sa pipe mal embouchée, toujours à la recherche du prochain pas. Il passait en revue ses hommes épuisés. L'un agonisait, délirait. "Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ? Je l'ai vu tomber. Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ?", expirait-il en agrippant le bras du général, les yeux fous. Et il est mort. "Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ?" demanda le général. "C'était lui Lemtchek", lui répondit un de ses camarades.
Remplacer Lemtchek par cinéma.



8 octobre 2010

1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9...

Ça claque. Blouse blanche. Bonnet hygiénique. Elle descend les escaliers, remontée. On est derrière, juste derrière. Bientôt on sortira du couloir, et ce sera le ring. On est derrière. Au niveau de la nuque. En position de prédateur. On croit la suivre. En réalité elle nous précède. Les branches qu'elle écarte pour forcer le passage nous reviennent dans la figure. Les portes claquent. Elles nous claquent à la gueule. Qui a dit que Rosetta était un film social ? C'est un film de boxe à main nue. L'histoire d'une lutteuse qui refuse de se coucher. Alors elle serre les poings et encaisse les rounds, rend coup pour coup, autant qu'elle peut, laisse échapper quelques coups bas. On voudrait être arbitre, simple spectateur. On est adversaire. Rosetta ne fait pas de distinction. On ne lui en compte pas. Elle ne veut pas perdre, refuse le KO. Point. L'expression « caméra au poing » n'a jamais été aussi juste. Direct au foie. Souffle coupé. Envie de vomir. La vue tangue. On est sonné. Mais nous non plus on ne veut pas être conté. Nous aussi on veut tenir debout. Est-ce que c'est ça, survivre au cinéma ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire