ou le ciné m'a tuer

La bataille avait été rude et il fallait déjà repartir. Merrill inspectait ses maraudeurs. On était chez Fuller, avec ses Merrill's Marauders. Le général Merrill mâchouillait sa pipe mal embouchée, toujours à la recherche du prochain pas. Il passait en revue ses hommes épuisés. L'un agonisait, délirait. "Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ? Je l'ai vu tomber. Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ?", expirait-il en agrippant le bras du général, les yeux fous. Et il est mort. "Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ?" demanda le général. "C'était lui Lemtchek", lui répondit un de ses camarades.
Remplacer Lemtchek par cinéma.



13 octobre 2010

Bataille des Dardenne

Si le cinéma des Dardenne tient de la boxe, des combats dans un espace délimité, Rosetta est un film de cogneur, Le Fils, lui, adopte le style Muhammad Ali : fausse garde et allonge inattendue, maîtrise de la distance. « Deux corps séparés par quelque chose qu'on ignore. Deux corps attirés par quelque chose qu'on ignore. Des gestes, des mots, des regards qui ne cessent de mesurer la distance qui les sépare en même temps que la puissance qui les rapproche. C'est cela qu'il faudra tenter de mesurer avec notre caméra » notait Luc. La caméra est braquée sur la nuque d'un homme ceinturé. Comme un couperet. La distance entre une caméra couperet et l'homme qui a la tête dans le trou. « Essayez de concevoir, la seconde, que dis-je, le quart de seconde pendant lequel le criminel entend glisser le couperet qui doit le décapiter », écrivait Dostoïevski dans L'Idiot. Ce quart de seconde, le fils le suspend. Ce quart de seconde Le Fils l'étire. Ce quart de seconde est une vie.
Sinon, Jean-Paul me racontait hier un sketch de Collaro du début des années 80 que mon rêve de lait caillé lui avait rappelé. Dans l'entrée d'un cinéma un homme ouvre des huîtres. Je suis l'écailler du cinéma. 

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