ou le ciné m'a tuer

La bataille avait été rude et il fallait déjà repartir. Merrill inspectait ses maraudeurs. On était chez Fuller, avec ses Merrill's Marauders. Le général Merrill mâchouillait sa pipe mal embouchée, toujours à la recherche du prochain pas. Il passait en revue ses hommes épuisés. L'un agonisait, délirait. "Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ? Je l'ai vu tomber. Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ?", expirait-il en agrippant le bras du général, les yeux fous. Et il est mort. "Est-ce que Lemtchek s'en est tiré ?" demanda le général. "C'était lui Lemtchek", lui répondit un de ses camarades.
Remplacer Lemtchek par cinéma.



1 juillet 2010

aux chiottes

Aux chiottes, je parcourais la gazette d'Utopia et tombais sur Kiss me deadly. En quatrième vitesse je m'enquerrais de ce que pouvait bien en dire le rédacteur. Rien sinon une ligne tout de même pour souligner "le roman médiocre commis par le facho Mickey Spillane" et vite, comme à l'accoutumée, je raconte le film. La gazette d'Utopia, c'est le "si vous avez manqué le début" des Télé 7 jours de quand on était gosse – un comble tout de même pour un cinéma qui se targue de commencer à l'heure. Rien de tel que raconter l'histoire d'un film pour ne pas en parler ; du film. Ce qui travaille le dit rédacteur ici, c'est le final ; "(par pitié ne le racontez pas à vos copains ou copines)" nous assène-t-il au détour d'une parenthèse péremptoire dont la gazette s'est faite spécialiste. Il n'a pourtant qu'une envie, c'est nous le dévoiler ce final "absolument imprévisible". Et il nous glissera malgré son propre avertissement quelques suggestions irrépressibles, "jusqu'au dernier plan, le plus cauchemardesque de tous..." et "même si à la fin, la lumière vient. Et quelle lumière ! Mais chut...". 
Je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour ce pauvre rédacteur tiraillé par ce désir de raconter ce que lui même s'est (nous a) interdit de dire. Quelle frustration. Je ne peux m'empêcher aussi de penser à ceux qui ne connaîtraient pas le film et ne le regarderont de son fait que dans l'impatience du final, quand un film - celui-ci, mais tous en général - ne peut se réduire à son final. 

Il faudra bien comprendre un jour qu'un film ne se résume pas à son synopsis et que l'on peut très bien en révéler la fin sans en briser la magie ni altérer le plaisir à le regarder, voire de le revoir. Miser sur la surprise serait envisager un film que comme un produit jetable, un kleenex.